« Cher saint Nicolas, je t’écris parce que je suis jaloux. Jaloux des carottes que je m’apprête à déposer dans l’assiette pour ton âne. Je voudrais les mêmes dans mon potager. Mammy dit que tu entends nos bêtises de là-haut. Alors, as-tu vu la tête de ma récolte cet été? Tu as des lunettes, mais c’est une loupe qu’il t’aurait fallu, tant elles étaient rikiki. J’y avais pourtant mis tout mon coeur.
En mai, j’avais émietté la terre – argileuse, selon le vocabulaire de maman – pour qu’elle soit légère comme le sable de la mer. J’avais ôté tous les cailloux. Il paraît qu’un sol trop lourd ou des obstacles rencontrés font que la carotte est contrariée et prend des formes biscornues. J’avais créé un sillon à 1 cm de profondeur et mélangé dans ma main des semences de radis. Une astuce de grand-mère apparemment, pour ne pas devoir éclaircir les jeunes plantules de carottes. Quand tes radis sont prêts à être mangés, tu les enlèves. Cela crée de l’espace pour les carottes car elles poussent nettement plus lentement, genre trois mois minimum. Tu comprends?
Maman m’a glissé qu’une des pistes à cet échec était que je n’avais pas suffisamment arrosé mes semences – au pommeau, sinon on les noie – avant qu’elles lèvent. Tu savais, toi, que c’est en raison des risques de sécheresse qu’il est délicat de semer des carottes plus tardivement, en juin ou juillet?
Alors, cher saint Nicolas, pourrais-tu m’apporter un sachet de rubans de graines? Je n’aurai qu’à le dérouler et le recouvrir légèrement quand j’aurai travaillé le sol. Peut-être ainsi arriverai-je à gâter ton âne l’an prochain? Merci! »
Félix, 7 ans.